« Le temps n'est pas à l'introspection »
« Jouer le jeu » de la solidarité
Les salariés d’ADSI interviennent chez les clients de grands groupes de BTP comme Vinci ou Colas. Lors de l’épidémie de la Covid 19, les équipes constatent bien en amont un ralentissement notoire de l’activité en observant le peu de fret dans les entrepôts et le report, voire l’annulation de nombreux projets. Le 13 mars, le planning d’avril est annulé dans son intégralité du jour au lendemain sachant que le délai d’attente habituel pour toute intervention est de 2 mois ! Axel Disgand prend donc la décision de cesser l’activité 24 heures avant l’annonce du confinement car continuer le travail dans les conditions sanitaires respectueuses lui est impossible.
A partir du mois de mai, l’activité reprend en obéissant à un protocole sanitaire strict, du nouveau matériel sanitaire est imposé. L’entreprise regagne de la visibilité mise en berne durant le confinement. Axel constate une diminution du panier moyen des clients, qui privilégient surtout les petites interventions. Axel choisit de « jouer le jeu » de la solidarité en passant des commandes importantes à ses fournisseurs : vêtements, équipement, imprimerie…, au risque d’impacter sa trésorerie malgré le report et l’étalement de ses charges. La crise représente pour ADSI : 135 000 € de manque à gagner, dont 25 000€ de pertes sèches. Malgré cela, l’entreprise réalise un bon mois d’août ».
Une certaine déshumanisation de la relation professionnelle
Au-delà de l’impact économique de la pandémie, l’impact moral est massif. L’aide obtenue sur le fonds d’urgence COVID Résistance a été décisive pour Axel : « Voir un collège d’experts prêt à miser sur notre entreprise est très encourageant. De plus, cela a eu un effet levier vis à vis de nos fournisseurs».
Selon le chef d’entreprise, l’impact psychologique s’est articulé en deux temps :« Au début, lorsque l’on est dans l’œil de cyclone, on sent que l’entreprise est sous perfusion sociale. Ensuite les comportements changent, on perd le contact physique avec les clients, qui est pourtant si important pour nous. On assiste comme à une déshumanisation de la relation». Axel nous explique qu’il a pour habitude de visiter en personne tous ses clients tous les ans, ce qui est difficilement réalisable cette année !
Faire face avec de nouveaux challenges
Le dirigeant de ADSI se projette sur la fin d’année, période très chargée pour son entreprise qui effectue une grande partie de son chiffre d’affaires les deux derniers mois de l’année : « Nous sommes prêts, mais on ne sait pas à quoi. Le chiffre d’affaires attendu sera fait, j’en suis sûr, mais à quel prix ? ». Continuer à travailler en confiance dans un souci de respect de l’environnement avec une équipe de salariés compréhensifs, l’entreprise fait face avec de nouveaux challenges encore à relever. Le télétravail implique plus de patience, de délais, d’incompréhensions et donc une tension de l’activité et des difficultés à s’organiser. « L’activité est saccadée et nous avons du mal à retrouver un rythme de croisière ».
De plus, il s’inquiète pour le manque de visibilité concernant les charges URSAAF. En effet, on ne connait toujours pas le dénouement des sommes non versées pendant la crise, ainsi que ce qu’il va advenir des éventuels allégements de charges versées à la reprise. Axel s’attend à une très faible, voire aucune rentabilité en fin d’exercice : « Il semblait évident que les charges devaient être tronquées pour tous lors de la reprise, cela semble moins clair à ce jour. Il faudra donc nous préparer à envisager des efforts financiers, voire de débaucher afin d’assumer les sommes qui pourront nous être réclamées. Ce que je trouve relativement absurde, car on sera en destruction d’emploi, pour assumer les charges de l’emploi. Il y a selon moi une piste de réflexion pour choisir maintenant la situation post crise que nous souhaitons. »
Pour Axel, il est encore trop tôt pour tirer des conclusions de cette crise avec la rigueur qu’elle implique: « Je pense que si l’on en tire trop vite des leçons, elles seront surtout humaines et non professionnelles. Aujourd’hui c’est le temps de l’action et pas de l’introspection. »
D’après une interview réalisée par Emma Guirandy pour IPA